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Catalogne Sud : Vraies et fausses leçons des élections

Nous reproduisons ci-dessous l’article publié sur le site Internet national du NPA, et dont une version abrégée sera publié dans le prochain numéro de l’hebdo L’Anticapitaliste.

Pour la plupart des commentateurs, les trois faits principaux du scrutin de dimanche dernier aux élections « autonomiques » en Catalogne sont : la majorité des sièges (74 sur 135) et des voix exprimées (50.6%) pour les indépendantistes, la récupération effectuée par le Parti socialiste qui termine premier d’une courte tête et gagne 33 sièges (16 sièges de plus qu’en 2017) et l’irruption de Vox qui entre au Parlement catalan (7,6% et 11 élus). Ce sont incontestablement les points saillants de ces élections. Mais il faut tous les nuancer.

Victoire indépendantiste dans un contexte d’abstention

Il s’agit d’abord de prendre en compte l’importante progression de l’abstention qui passe de 21% en 2017 à plus de 46% en 2021. Cette abstention massive était attendue en période de Covid, mais, de fait, elle relativise le succès des partis indépendantistes qui, logiquement, perdent tous des voix et leurs 50% de voix exprimées sont loin de représenter 50% des électeurEs de Catalogne, leur total demeurant très loin de celui obtenu lors du référendum pour l’indépendance d’octobre 2017.

C’est l’ERC (Gauche républicaine catalane) qui, avec 21% des voix et 33 sièges, gagne de justesse la compétition inter-indépendantiste. Pour la première fois depuis des dizaines d’années la droite nationaliste traditionnelle est battue. Junts, le parti de Puigdemont, l’ex-président de la Généralité en exil, n’obtient que 20% et 32 sièges. L’ERC a donc toutes les chances de voir son candidat élu président de la Généralité de Catalogne.

Les autres voix indépendantistes se sont portées sur la liste des anticapitalistes de la CUP qui progresse nettement avec 6,7% des voix et 9 sièges (contre 4,5% et 5 sièges en 2017) et le PdCat, résidu de l’ancienne droite catalane, qui avec moins de 3% n’obtient aucun élu. Le score de la CUP est, dans ce panorama électoral, une bonne nouvelle. La question politique qui une fois de plus se pose à elle est de savoir quelle va être son attitude face à un gouvernement indépendantiste ERC-Junts. Un soutien conditionnel ? Une participation gouvernementale ? Et à quelles conditions et à quel prix ?

Du côté du Parti socialiste

Le Parti socialiste catalan arrive certes en tête avec plus de 23% des exprimés. Son candidat tête de liste, récent ministre de la Santé du gouvernement de Madrid, va tenter, sans y croire lui-même, d’être élu président de la Généralité. Mais l’opération « reconquête » lancée par le PSOE depuis Madrid en présentant un candidat supposé moins impopulaire et « nouveau » et surtout en forçant la date des élections catalanes en pleine troisième vague de la pandémie a échoué : quelles que soient les manœuvres, la répression et les coups de forces judiciaires, les indépendantistes dans leur ensemble demeurent majoritaires au Parlement catalan.

Le Parti socialiste ne peut construire en Catalogne une majorité « de progrès » comme il l’a fait au gouvernement central avec Podemos. La liste correspondante de Podemos en Catalogne (« En Comun-Podem ») a certes maintenu à peu près son score et ses sièges (7% et 8 sièges) mais ensemble ils sont loin de parvenir à une majorité et ne peuvent espérer, quoi qu’en dise Podemos et Podem, le soutien des indépendantistes d’ERC ou de la CUP.

Percée de Vox

Les résultats de Vox, le parti d’extrême droite ouvertement nostalgique du franquisme, bien qu’annoncés, n’en sont pas moins inquiétants. Comme partout ailleurs dans l’État espagnol, il a surfé, à la suite des partis de droite (PP et Ciudadanos) sur « l’espagnolisme », l’hostilité aux immigréEs et le racisme. Il a ajouté, en cette période de covid, la démagogie en direction des couches de petits exploitants et commerçants frappés par les mesures de confinement. Ces plus de 200 000 voix, obtenues en partie dans des quartiers populaires, lui permettent d’entrer pour la première fois au Parlement catalan et cette progression est une menace pour touTEs les travailleurEs.

Mais il faut souligner que cela s’est essentiellement fait au détriment du Parti Populaire, l’héritier traditionnel du franquisme, et de Ciudadanos, la déjà ancienne « force nouvelle » de la droite espagnoliste. Le PP a poursuivi sa chute en Catalogne et n’a plus que 3 sièges, Ciudadanos qui était sorti vainqueur des dernières élections catalanes perd 30 sièges et plus de 900 000 voix. Ensemble, Vox compris, les trois partis de droite farouchement défenseurs de la constitution de 1978 ne recueillent pas plus de 20% des voix en Catalogne.

Grandes manœuvres post-électorales

Comme on pouvait le supposer, les grandes manœuvres post-électorales ont commencé dès le soir des élections. Même si ERC propose un illusoire gouvernement avec Junts, la CUP et En Comun Podem, le plus probable est la formation d’un gouvernement ERC/Junts. Le Parti socialiste tentera peut-être l’improbable formation d’un gouvernement minoritaire, avec En Comun-Podem et en comptant sur une certaine bienveillance d’ERC, à l’image de celui qui dirige la municipalité de Barcelone. Mais pour cela il faudrait que le PSOE se décide au moins à accepter un certain degré de négociation sur le problème des prisonniers politiques et au-delà sur la question du « référendum ». Ce que jusqu’ici il s’est toujours refusé à faire.

La défense des intérêts de la population travailleuse de Catalogne aura bien peu à voir avec ces manœuvres. C’est à la gauche anticapitaliste, celle qui veut vraiment rompre avec le régime de 1978 et revenir à l’élan et aux attentes des mouvements sociaux et démocratiques de former un nouvel espace politique qui les représentent.

Fabrice Thomas


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