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Interview exclusive d’une salariée d’EDIT 66 : « On ne rapporte plus assez, on nous élimine »

Danielle Casanovas, secrétaire du Comité d’entreprise (CE) d’EDIT 66, a accepté de répondre à notre interview. (Pour rappel, lire notre article et notre communiqué en solidarité avec les salarié(e)s de cette entreprise, victimes d’un patron voyou : ICI)

  • Vendredi dernier, le 29 mars, vous avez séquestré votre patron pendant une bonne partie de la journée… Qu’est-ce qui a provoqué cette action des salarié(e)s ?

Depuis le mois de janvier 2013, 19 salariés sont concernés par une procédure de licenciement économique. Leur dernier jour de travail était donc le 29 mars. Le matin même, notre directeur, M. Paul Denis, et M. Merthus Bezemer, PDG de notre maison-mère Mercurius basée en Hollande, ont annoncé au personnel licencié qu’il n’y avait plus d’argent dans les caisses et que, par conséquent, impossible de payer les indemnités conventionnelles de licenciement ainsi que la bonification négociée par les représentants du personnel. L’incompréhension, la stupeur et ensuite la colère ont conduit les employés à cette action.

  • Comment a réagi votre patron ?

M. Merthus Bezemer est resté sur ses positions. Ce qu’il voulait à tout prix, c’était prendre son avion à Barcelone pour rentrer chez lui en Hollande. Plus tard, lors de notre réunion à la DIRECCTE, il ira même jusqu’à regretter d’avoir raté son avion car il avait prévu de faire des crêpes avec ses enfants. Ce qui est en jeu à ce moment-là, c’est la vie de 36 salariés, mais non, pour lui le plus important ce sont des crêpes. Nous avons eu devant nous un patron qui affichait son mépris pour ses salariés. Pas de décence, pas d’humanité !

  • Qu’a donnée la réunion avec la DIRECCTE ?

Je pense que devant la mobilisation, la détermination des employés, l’ampleur médiatique qu’a prise l’affaire ainsi que sous la pression de la DIRECCTE, M. Merthus Bezemer s’est engagé fermement à trouver les fonds nécessaires pour payer le personnel. La réunion a quand même duré près de 5 heures. Avant de trouver un accord, il a pris maintes fois les conseils de son avocat parisien.

  • Quelles sont les échéances à venir ? Et comment comptez-vous y répondre ?

Mercredi prochain [10 avril], nous avons rendez-vous au Tribunal de Commerce où sera prononcée certainement la mise en liquidation de la société. Malheureusement, nous pensons que c’est la seule issue possible. EDIT66 a été saccagée purement et simplement. Dès 8 h30, nous serons sur place pour assister à la mise à mort de notre outil de travail.

  • EDIT66 a pour maison-mère Mercurius dont le principal actionnaire, la Hal Trust, a son siège social à Curaçao, un paradis fiscal bien connu… Avec la puissance financière que cela constitue, ne peut-on pas se poser des questions sur le fait qu’EDIT66 se retrouverait en cessation de paiement ?

Pour nous, c’est l’incompréhension totale, le dégoût, la colère. Pour toutes ces sociétés multimillionnaires, nous ne sommes qu’une goutte d’eau. Pourquoi voulez-vous qu’elles s’intéressent à 36 salariés ? Puisqu’on ne rapporte plus assez, on nous élimine.

  • L’unité des salarié(e)s est bien entendu importante. Quel est l’ambiance, l’entente, entre vous ?

Heureusement, les salariés sont très soudés. Nous prenons les décisions ensemble, nous discutons beaucoup sur les actions à mener, nous nous remontons le moral mutuellement lorsqu’il est en berne.

Nos collègues licenciés sont toujours présents dans l’entreprise.

  • Nous le savons, l’isolement, et surtout pour des petites structures comme la vôtre, est très dommageable pour les luttes… Quel soutien attendez-vous des organisations syndicales et politiques ?

Quand une telle catastrophe arrive, évidemment, on se sent seuls mais la solidarité n’a pas tardé à se mettre en place autour de nous. Tout d’abord, les médias qui ont largement diffusé l’information et puis les organisations telles que la vôtre et la CGT qui ont tout de suite répondu à notre appel.

Nous sommes en attente de conseils juridiques et d’aide logistique. Et je peux dire que nous avons été entendus.

Un grand merci à tous !

Post-scriptum

Depuis la réalisation de cette interview, un fait nouveau - un nouveau scandale ! - est apparu.

Danielle : Les chèques émis par la direction pour régler les salaires du mois de mars et des congés payés pour les salariés licenciés sont pour l’instant gelés par le Crédit Agricole (merci à lui). Nous avons fait appel à nos clients pour qu’ils anticipent le paiement de leurs factures et ils ont accepté (merci à eux et là ce n’est pas ironique). Vous imaginez bien l’angoisse et le stress que cela peut engendrer chez les salariés, pas de salaire donc difficultés pour régler les factures courantes : loyer, crédits, nounou, impôts… Nous avons un couple qui travaille chez Edit66 et pour eux, en ce moment, c’est le trou noir.


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