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Perpignan - Justice et dignité pour nos chibanis !

Nous reproduisons ci-dessous l’entretien que nous avons réalisé avec Abdellah H., Chibani de Perpignan, et Gabriel Llesta , ASTI 66 et animateur du collectif « SOS Chibanis 66 » qui a été publié dans le n°163 de l’hebdomadaire du NPA « Tout est à nous ! »

[Chibani : « ancien » en arabe. Retraité d’origine maghrébine]


Quand et comment êtes-vous arrivé en France ?

AH : En 1965. La plupart d’entre nous ont été recrutés par ce qu’on appelait le bureau de l’immigration du Maroc ; les patrons français disaient : « On a besoin de tant de bonhommes », et le Maroc les envoyait.

Et après ?

AH : Au départ, on avait un contrat ; après, c’était plus difficile. Souvent les patrons nous disaient : « Si tu veux être déclaré, c’est toi qui paies ». Alors comme il fallait que nous fassions vivre nos familles au pays…Souvent on changeait de coin ; le patron nous disait qu’il n’y avait plus de boulot, alors on allait là où il y en avait, 2 ans là, 3 ans ailleurs ; on a été partout en France.

Quelles étaient vos conditions de vie en France ?

AH : On dépensait le moins possible… Parfois, le patron avait prévu le logement (baraque de chantier, foyer, chambre) sinon on allait au moins cher…

GL : …chez les marchands de sommeil.

Et la retraite ?

AH : A 60-65ans, beaucoup ont été mis à la retraite pour raisons de santé ; on a travaillé dur et, à la fin, on était souvent malades, alors les patrons ne nous voulaient plus. On a passé notre vie ici comme des esclaves en laissant nos femmes seules là-bas.

Que vous est-il arrivé avec la Caisse d’allocations familiales et la CARSAT ?

AH : D’abord, le propriétaire de mon logement m’a dit qu’il ne touchait plus l’APL [Aide personnalisée au logement] et dans les 6 mois suivants, je n’avais plus d’ASPA [Allocation de solidarité aux personnes âgées], alors je suis allé à L’ASTI. Après, j’ai ramené tous ceux que je connaissais qui étaient dans mon cas. Nous étions une quarantaine. Ca a été dur de les faire venir : ils avaient peur…

Gabriel, quel est le problème ?

GL : Pour bénéficier des avantages sociaux, les caisses imposent des durées annuelles de résidence en France ; mais les Chibanis n’en avaient pas été informés et ils ont été manifestement ciblés par des contrôles. Après un contrôle infructueux, non seulement on leur supprime toute allocation mais on leur demande de rembourser les versements soi-disant indus.

Comment s’est créé ce collectif ?

GL : Au début, à l’ASTI, nous avions quelques cas, puis il y a eu un article de presse où un avocat dénonçait des menaces d’expulsions musclées (arrachage des portes et des fenêtres des logements en plein hiver) et nous avons su que la CIMADE avait aussi quelques cas. Quand on a compris ce qui se passait, on a pensé qu’il fallait donner un large écho à ce scandale.

Qui fait partie de ce collectif ?

GL : Nous avons sollicité les syndicats, les partis de gauche, les associations ; la plupart ont répondu favorablement et beaucoup sont présents dans nos mobilisations. Il y a aussi quelques « individuels ».

Comment ça marche ?

GL : Essentiellement en AG. Les propositions d’action émanent rarement des Chibanis, mais elles sont débattues (avec traduction) et la décision leur revient.

Quelles initiatives avez-vous prises ?

GL : Conférence de presse, manifestation avec valises, envahissement de l’accueil des organismes - le tout avec médiatisation de notre combat.

Les succès ?

GL : Nous avons obtenu assez vite un rendez-vous avec la direction de la CAF et une reprise progressive des APL pour tous ceux qui restaient (les plus fatigués étaient rentrés au Maroc). Pour la CARSAT, c’est quasi impossible d’accéder aux décisionnaires sans forte pression ; il a fallu aller en bus à Montpellier et manifester dans le hall de la CPAM attenante pour enfin être reçus et obtenir des dossiers de demande de reprise des versements avec un traitement spécifique que l’on nous avait promis rapide ; mais il a fallu un an et quelques mobilisations pour régler ça !

Et maintenant ?

AH : Ça va mieux, on a à nouveau l’APL et l’ASPA, mais les caisses nous demandent de rembourser jusqu’à 25.000€. Et je préférerais vieillir et mourir auprès des miens au lieu d’être condamné à vivre ici où je survis.

GL : Nos deux revendications principales sont l’annulation des dettes et le rattachement de l’ASPA non à la résidence mais à la personne. Ce combat dépasse « SOS Chibanis 66 », aussi avons-nous décidé de nous coordonner avec tous ceux qui œuvrent en France pour que Justice et Dignité soient rendues aux Chibanis, afin de partager nos infos, donner un écho national aux luttes locales et prendre des initiatives communes.

Conclusion ?

AH : Il faut continuer à se battre…

GL : Seule l’action la plus large peut donner des résultats.

Propos recueillis par Annie Rideau


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